Arrivée mouvementée

"Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Il n'y a que de la plaine à perte de vue !"

Le jeune homme qui venait d'énoncer ces paroles scrutait avec attention une étendue herbeuse si vaste qu'elle aurait pu passer pour une mer aux tons verts et jaunes. Aussi surprenant que cela puisse paraître il s'adressait à un katana ouvragé, logé dans sa ceinture. Le plus incroyable dans cette scène fut que ce dernier lui répondit :

"- Et bien je suggèrerais d'aller de l'avant.
Moment de flottement.
- Mais c'est pas une suggestion ça ! C'est une évidence que je ne vais pas rester là 107 ans à regarder l'herbe pousser !
- Ah ! Mais je suis un katana moi, monsieur, pas un grand philosophe."

Au moment où Darkeyes allait répondre à son Sùrion quelque chose de particulièrement grossier, il entendit des hurlements sauvages derrière lui. Il se retourna prestement pour se retrouver devant trois gaillards à la mine patibulaire. Ils étaient armés de lames ébréchées et de tuniques de cuir. Leurs visages étaient à ce point couverts de cicatrices qu'on aurait pu jouer aux échecs dessus. Mais pour le moment, ils ne prêtaient pas du tout à rire, tant les sourires qui s'étalaient sur leurs faces ingrates étaient sinistres.

"- Je vais passer un très sale quart d'heure, se dit Darkeyes.
- Moins sale que leur dentition en tout cas."

Avant d'avoir pu se plaindre de l'humour lamentable de sa lame, Darkeyes se retrouva au sol, la pointe d'une épée à quelques centimètres de son regard.
C'est alors qu'il sentit le Fauve prendre le contrôle et il assista alors en spectateur à la suite des évènements.
D'un coup de coude, il dévia la lame du brigand et cueillit celui-ci en lui envoyant son poing dans l'estomac, suivi d'un coup de pied à l'entrejambe.
Il se releva prestement et son poing jaillit sous le menton de son agresseur. Ce dernier fut projeté en l'air et atterrit au sol avec un vilain bruit de vertèbres brisées.

Les deux autres compères, jusqu'alors restés en retrait l'attaquèrent en même temps en faisant tournoyer leur lames.
Il les prit à la gorge et serra, serra, serra...jusqu'à ce ne soit plus que deux cadavres qu'il tenait à bout de bras. Les envoyant valdinguer au côté de leur camarade il leva les bras et éclata d'un grand rire, enivré par l'odeur de la mort et par sa puissance bestiale et primaire.

C'est alors qu'il aperçut trois silhouettes qui le regardaient. Un sourire diabolique tordit ses lèvres, découvrant sa dentition. Il darda vers eux ses yeux rouges sang :

"Bonjour petits amis, vous aussi vous voulez jouer avec moi ? Allez, venez, on va bien s'amuser !"

Il se tordit alors en deux tandis qu'un "NON !" puissant s'élevait de sa gorge. Devant les voyageurs apparut alors un jeune homme pâle, au souffle court et aux yeux noirs. Il leur demanda de le rejoindre, les assurant qu'il ne leur ferait aucun mal tant qu'ils ne lui en feraient pas non plus.

Ascherit leva légèrement la tête pour observer l’étrange personnage par-dessous sa capuche, ses yeux abrités par l’ombre de celle-ci. A la vue des cadavres comme de son attitude schizophrénique, il ne faisait aucun doute que ce garçon était dangereusement instable.
Il songea à leur destination : une ville qu’il présumait peuplée, riche, et donc fatalement bien gardée. Un quelconque tumulte, et la garde leur tomberait dessus – ce qu’il désirait éviter à tout prix, bien entendu. Il y avait déjà un risque conséquent à pénétrer en ville avec un renard dissipé et deux elfes qu’il craignait capables de déclencher un cataclysme par mégarde. Sans même envisager les imprévus habituels possibles conspirés par la grande loi de la malchance, fallait-il ajouter à cela un pseudo-psychopathe dépressif et déséquilibré dont il ne pouvait prévenir aucune réaction ?

L’elfe d’argent eut un sourire intérieur. Après tout, pourquoi pas ? Ce jouvenceau à demi-névrosé apparaissait en fait comme le parfait appât/alibi/chaperon à fournir en cas de problème ; une véritable assurance. Vraiment parfait. Secrètement soulagé, il adressa un sourire courtois au jeune homme, avant de déclarer d’un ton calme et sage :

"Voyageur, je ne vois personnellement aucune raison de m’opposer à ce que tu nous accompagne là où nous nous rendons. Si mes compagnons le permettent également, je présume que nous pouvons t’accueillir."

Ambre était sortie inquiète et déstabilisée de la forêt, puisqu'elle n'avait encore jamais mis les pieds ailleurs qu'en cet endroit qu'elle trouvait rassurant. Elle suivait son sùrion, qui, reniflant un peu partout, les avait conduit sur la plaine. Cet alors qu'ils entendirent la rumeur d'un affrontement un peu plus loin. Mettant sa main en visière pour se protéger du soleil brillant, Ambre aperçut un homme qui se battait farouchement avec trois autres, d'une apparence douteuse.

La jeune fille n'était visiblement pas rassurée mais ses deux compagnons se précipitèrent à l'encontre de l'homme, qui se débarrassa bien vite de ses assaillants.
Alors qu'ils s'approchaient, celui-ci s'exclama d'une voix effrayante :

"Bonjour petits amis, vous aussi vous voulez jouer avec moi ? Allez, venez, on va bien s'amuser !"

Ambre poussa une exclamation d'horreur, et recula de trois pas, la paume sur les lèvres, tout son corps tendu, prête à s'enfuir, tandis que Kéreth le renard se dressait courageusement devant elle, grognant et les poils hérissés.
Mentalement, elle l'appelait à reculer, car elle savait qu'il ne serait pas d'une grande efficacité dans le cas d'une éventuelle bataille, et elle ne tenait pas à ce qu'il soit blessé.

Mais Ascherit prit la parole, proposant pacifiquement au voyageur de se joindre à eux. Kéreth réagit violemment, se dressant devant Ascherit :

"Non mais, est-ce que vous allez bien ? Tenez vous donc absolument à ce que cet individu nous réduise tous en charpie ?"

Ambre se dirigea à grands pas vers son sùrion, l'attrapa et le serra contre elle pour se rassurer. Elle leva vers l'inconnu des yeux emplis de terreur contenue, et déclara d'une voix qu'elle voulait assurée :

"Qui êtes vous ?"

Kéreth grognait toujours, et Ambre tremblait de peur, repensant à l'incroyable violence dont elle avait été témoin.

C’était exactement ce qu’il avait souhaité. Son propre avis détaché et apaisant pour l’inviter, et la méfiance non dissimulée des autres pour le forcer à se tenir bien sage... La présente personnalité du garçon ne laissait transparaître aucun signe de pugnacité ni d’hostilité ; il n’était qu’un orphelin perdu. Et il était prêt à parier que dans cet état, ce curieux petit bonhomme ferait tout son possible pour se faire discret et éviter un carnage – jusqu’à ce que le monstre qui sommeille en lui ne se dévoile à nouveau.
Se tenant à l'avant du groupe, il décida de laisser parler Ambre et Pierre entre eux pour l’instant, et de n’intervenir que quand le moment de rassurer la petite troupe deviendrait nécessaire. Il n’attendait plus maintenant que l’opinion d’Heraldic ; furtivement sous sa capuche, il tourna les yeux vers ce dernier.

Heraldic ne comprit pas pourquoi il s’était mis à courir en compagnie de Damans. Pourquoi son corps le portait vers le danger alors qu’il aurait plutôt souhaité ne pas bouger et s’enfuir ?
Quand ils arrivèrent à hauteur de l’individu, son regard se posa sur les corps ensanglantés. Ce qui, d’instinct, lui fit ralentir son allure pour s’arrêter un peu derrière Damans. Il resta paralysé, le regard braqué sur les cadavres.
Les souvenirs de son enfance rejaillirent à la vue de tout ce sang, lui donnant la nausée. Il ne fit même plus attention à ce que disait Damans et à l’arrivée d’Ambre à leur suite avec un air décomposé.
Vans dût bousculer son maître mentalement pour le faire bouger et se mettre à l’écart. Heraldic essaya de chasser les images de l’homme qu’il avait fait exploser il y avait 85 ans de ça. Il s’accroupit pour essayer de faire passer sa nausée, malheureusement sans succès.
Après les heures de marches qui venaient de s’écouler, il allait bientôt faire nuit. Heraldic craignait qu’il se passe quelque chose de dangereux mais pensa que d’être à trois contre un n’en présentait pas vraiment. Entre deux haut-le-cœur il proposa de s’éloigner un peu des restes humains et de s’arrêter pour la nuit.

La nuit était tombée sur la plaine de Norténia. Telle une grande couverture sombre mouchetée d'étoiles, elle étouffait les sons et apaisait les coeurs. Sous la voûte céleste, un petit feu de camp luisait dans l'immensité, infime fragment de lumière et de vie, comme un rappel de la petitesse des hommes et de la vanité de leurs disputes.

Ce magnifique moment fut gâché par le bruit des mâchoires de Darkeyes qui entreprenaient leur travail de mastication sur un sandwich au jambon, avec un professionnalisme qui les honorait. Ceci dit, ça aurait vraiment été mieux s'il s'était abstenu de parler en mangeant. Tout d'abord, cela aurait permis à son auditoire de comprendre ses paroles lorsqu'il leur raconta son histoire...et ensuite parce qu'il manqua de s'étrangler à deux reprises.
Il lui fallut donc reprendre du début après son repas et narrer la morsure d'un loup fou qui avaient fait remonter des instincts de prédateur qu'il ne se connaissait pas. Ensuite sa lutte perpétuelle pour ne pas basculer dans la folie. Sa décision de quitter ceux qu'il aimait pour ne pas risquer de leur faire du mal. Et enfin son arrivée par un portail magique, la découverte de son Sùrion et l'attaque des brigands.

Il jeta un regard par-dessus les flammes et détailla ceux qui lui avaient permis de leur tenir compagnie. Une chose qui sautait aux yeux: ils n'étaient pas humains. Que personne ne se vexe en lisant ces lignes, ce n'était pas des monstres, loin de là. Mais ils ne pouvaient pas passer inaperçus avec leurs longues oreilles et leur air angélique. Excepté peut-être le type encagoulé, dont on ne voyait jamais le visage, ils étaient plutôt sympathiques. Cependant, Darkeyes se refusait à juger les gens de son monde et il n'allait pas commencer dans celui-ci.

"En résumé, je ne suis pas dangereux tant que je n'ai pas peur ou que je ne suis pas en colère. Et je pense que, même comme ça, je pourrais contrôler le Fauve et l'empêcher de tuer tout le monde à tort et à travers.
- En fait, disons qu'il l'espère."

Il y eut un moment de silence...

Ambre n'était toujours pas très rassurée de la présence de Darkeyes à leurs côtés, mais elle ferait de son mieux pour calmer sa méfiance, chose qu'il lui venait sans aucun doute de son sùrion. Ce dernier, encore plus suspicieux que son maître, se tenait accroupis près du feu, la chaleur des flammes faisant gonfler ses poils, et leurs braises rougeoyantes lui donnant une couleur flamboyante. Il ne lâchait pas Darkeyes des yeux.
Après s'être restaurée un peu, Ambre écouta le récit du jeune homme avec attention, et ne put que compatir à ses turpitudes. Néanmoins, son inquiétude ne diminua pas lorsqu'elle appris que cette "bête" qu'il avait en lui pouvait se réveiller à tous moments.

Lorsqu'il en revint aux brigands assassinés, le doux regard de la jeune elfe se voila, et elle se leva avec grâce, sortant une flûte de bois de sa ceinture. Elle s'éloigna de quelques pas, et dit à ses compagnons :

"Veuillez m'excuser... ils étaient peut-être mauvais, mais tout être à le droit à une sépulture décente..."

Elle retourna près des cadavres, en essayant de ne pas prêter attention à l'odeur putride qui en émanait déjà. Elle voyait au loin les ombres des charognards venus se repaître des chairs mortes. Puis, avec grâce, elle se mit à danser, à dessiner des cercles autour des cadavres, virevoltant, les rubans de ses vêtements se balançant au gré de ses mouvements...

Tout en dansant, elle jouait de la flûte : une mélopée douce et mystique, un requiem apaisant et magique... bientôt, des racines émergèrent de la terre, enveloppant délicatement les corps, tandis que la musique s'intensifiait. La beauté de la mélodie et la grâce de la danse d'Ambre avaient ému la Terre qui revenait chercher ses enfants, les reprendre en son sein, afin que les bêtes sauvages ne les dévorent pas et que leurs âmes soient sauvées.

Son travail accomplis, Ambre revint vers ses compagnons. Les corps avaient disparus dans la terre, et seulement trois petites buttes seraient les témoins des événements pendant encore quelques jours. Ensuite, les vents balayants régulièrement la plaine emporteraient le surplus de terre et plus rien ne serait visible.
Ambre réchauffa ses mains à la chaleur des flammes.

"Vous dirigez vous à Artésia ? Y avez vous affaire ?"

Le silence se faisait, tandis que Kéreth remuait de sa patte une bûchette enflammée tombée trop près de lui.

"Nous partirons à l'aube. Ces trois là ne sont pas porteurs de bonne augure..."

Il pointa le museau en direction des "tombes", et Ambre posa sa main dans la fourrure de son sùrion.

Heraldic regardait vaguement la cérémonie que pratiquait Ambre pour les brigands qui avait sauté sur le nouveau voyageur. Il chassa ses pensées noires en secouant la tête et chercha à se divertir un peu. Il attrapa son bâton qui n’était pas plus grand que son avant bras et l’agrandit, en murmurant quelques mots, sous les yeux de qui voulait le regarder. Il amena, du bout du pied, une bûchette encore rougeoyante devant lui et essaya de la frapper de son bâton.
A de nombreuses reprises il la rata, tombant par terre de temps à autre. Finalement Vans, qui était assise près de Kéreth, fit léviter la bûchette sous les yeux de son maître qui se prépara pour faire une nouvelle tentative. Au dernier moment la bûchette tomba sur le sol et Heraldic fit le tour de lui-même sur place. Il manqua de tomber mais s’empressa de courser, en grognant et poussant des jurons, la sylphe qui lui avait fait cette mauvaise blague.
Il finit par abandonner et proposa de faire des tours de garde pour la nuit pour ceux qui voudraient se reposer.

"Je peux commencer le premier tour si vous voulez."

"Pour moi c'est d'accord si tu veux prendre le premier quart. Je prendrais le deuxième, tu n'auras qu'à me réveiller dans trois heures, je serais largement reposé. D'ici là, tu peux aussi compter sur Fendoir. Il ne dort jamais et sa conversation peut parfois être intéressante."

Il dégaina son arme et la planta en terre, ce qui eut pour effet d'embraser les herbes alentour du katana. Après avoir arrêté le début d'incendie, il se tourna vers l'elfe au renard.

"Tout à l'heure, vous m'avez demandé si j'avais affaire à...Artésia, si mes souvenirs sont bons. Je viens d'arriver dans ce monde il y a maintenant vingt-quatre heures et, à part les trois sauvages auxquels vous avez donné une sépulture, je n'ai croisé que vous. Alors je doute fort que quiconque m'attende quelque part, à Artésia ou ailleurs.
Ceci dit, je serais honoré de voyager avec vous jusqu’à cet endroit, voire plus loin. Personnellement, je ne suis pas mauvais à la baston, même si je préfère l'éviter la plupart du temps. Sur ce, bonne nuit !"

Il se coucha sur le côté, ramena sur lui les pans de son grand manteau noir et s'endormit aussitôt. Il dériva quelques temps dans un sommeil profond puis rêva d'une grande plage, aux dunes couronné de fougères. Il foulait un sable fin qui appesantissait son pas et l'obligeait à un surcroît d'effort pour continuer à avancer. Bientôt il ne put plus avancer. Il regarda en bas et constata avec horreur que le sable s'était enroulé autour de ses chevilles et le maintenait immobile. Alors qu'il tentait de se dégager, une silhouette émergea du sable devant lui. Peu à peu ses contours devinrent plus précis et le sable se chargea en chair. Devant Darkeyes se tenait...lui-même. Non, pas tout à fait lui. Son double avait des yeux rouges et un sourire de dément sur le visage. Darkeyes sut tout de suite à qui il avait affaire, après tout, il vivait avec depuis plusieurs mois : c'était le Fauve qui lui souriait de toutes ses dents. Darkeyes n'avait pas peur, il savait que l'autre ne pouvait pas lui faire de mal. Il était en position de force, il en avait l'intime conviction.

"- Qu'est-ce que tu me veux, la bête ?
- Juste te féliciter pour ton combat de cet après-midi. Tu as proprement été magnifique. Et ton Sùrion t'a TELLEMENT aidé.
-Arrête ton char, espèce d'ordure. Tu n'avais aucune raison pour les tuer. Tu savais parfaitement que, du moment que tu prenais les choses en main, ces types n'avaient aucune chance. Tu aurais pu les neutraliser sans les tuer et ça ne t’aurait pas coûté d'efforts ! Tu les as massacrés par pur plaisir du carnage ! Tu es immonde, abject, pire que la pire merde de l'enfer...
- Je t'en prie, arrête là les compliments. J'adore quand tu te mets à me détester, tu sais ? Tu fais le vertueux mais ça ne prend pas avec moi, je te connais trop bien. Tu as aussi pris du plaisir à leur exploser la face à ces sous-merdes, ne me dis pas le contraire. Je suis aussi une partie de toi, ne l'oublies pas. MWAHA ! HA ! HA! Pauvre petit ange, du moins c'est ce que tu veux laisser paraître, pas vrai ? A d'autres ! Tu peux raconter toute les salades que tu veux à ces abrutis mais pas à moi !
- Très bien. Oui, j'ai pris mon pied à les dézinguer mais je t'interdis de recommencer ! Tu m'entends ?! JE T'INTERDIS DE TOUCHER A CEUX QUI M'ACCOMPAGNENT !
- Et que comptes-tu faire pour m'en empêcher, pauvre cloche ? Je vis avec toi et en toi, tu sembles l'oublier.
- Il y a toujours une solution, la plus définitive qui soit.
- ...
- Je vois que nous nous sommes compris. Maintenant fiche le camp sale cabot !"

Avec une grimace de rage, le Fauve disparut comme il était venu, la plage s'effaça peu à peu et Darkeyes sombra dans un profond sommeil sans rêves, un léger sourire au coin des lèvres.

Heraldic se proposa pour prendre le premier tour de garde, Darkeyes le suivant. Ambre fit alors :

"D'accord, je prendrais donc le dernier..."

Apparemment, Darkeyes venait tout juste d'arriver sur Arckalésia et tout ceci paraissait fort étrange à Ambre, qui y vivait depuis toujours... mais elle n'ignorait pas les nombreuses rumeurs selon lesquelles des étrangers arrivaient en grand nombre sur leur monde... elle était curieuse de savoir d'où ils venaient...

Mais il se faisait tard, et Ambre bailla largement : la journée avait été longue. La jeune fille se fit un manteau des herbes de la plaine, et Kéreth se roula en boule près de sa tête, faisant office d'oreiller.
Une main et la joue plongée dans la fourrure de son sùrion, Ambre s'endormit paisiblement.

Ambre fit aussi un rêve. Elle voyait une rue pavée, qui semblait s'étendre à l'infini... entourée de maison, elle était pourtant déserte. Ambre supposa qu'il s'agissait d'Artésia, bien qu'elle n'y ait jamais mis les pieds. Elle marcha quelques mètres, et l'elfe eut la soudaine certitude de l'absence de son sùrion. Elle se tourna en tout sens, le cherchant du regard, elle l'appela d'une voix angoissée :

"Kéreth ! Kéreth ! Tu es là ?"

Ne recevant pas de réponse, comprenant qu'elle était seule, Ambre se mit à pleurer. Elle alla s'asseoir dans un coin de la rue, remonta ses genoux contre sa poitrine et attendit en sanglotant.

"Tu va bien finir par me retrouver, hein, Kéreth ?"

Les minutes passaient et personne ne venait. L'angoisse de la jeune fille allait augmentant, et ses sanglots se faisaient plus insistants. C'est alors qu'une grande ombre se dressa devant elle : elle leva soudain les yeux.
Elle ne voyait pas son visage, ne distinguait aucun détail sur son apparence, seulement deux grandes ailes argentées qui s'élevaient dans le ciel gris, déchiré par les toits des maisons. Il avait les mains croisées contre sa poitrine, et lorsqu'il les tendit, jointes, vers Ambre, celle-ci eut la surprise de découvrir, au creux de ces mains puissantes, son petit Kéreth tout tremblant et tout mouillé.

"Il est à toi ?" Fit l'inconnu, et Ambre hocha la tête, le visage trempé de larmes.

Elle le prit dans ses bras, incroyablement soulagée, et songea bien plus tard qu'elle n'avait pas été perturbée lorsque cet ange avait touché son sùrion, ce qui était contraire à ses habitudes. Elle serra très fort son Kéreth dans ses bras, qui gémissait du bonheur de l'avoir retrouvé, et l'inconnu repartit, en disant cette autre phrase :

"Si tu as besoin de moi, tu n'auras qu'à m'appeler par mon nom."

Puis il prit son envol, et Ambre se leva vivement :

"Mais quel est votre nom ?"

Il était déjà repartit.... seul un souffle restait dans l'air :

***Aingeal....... Aingeal..... Aingeal.........***

Le songe prit fin ici, et tout en affermissant sa main sur le dos de Kéreth, Ambre s'endormit d'un sommeil profond et sans rêve.

Les étoiles scintillaient au-dessus d’eux, et Ascherit ne dormait pas. Au cours de tant d’années de survie, il était habitué à dormir peu, se contentant de sommeils courts et légers dès qu’il lui était possible de faire halte ; en résultaient les cernes qui ornaient ses yeux, et que personne ne pouvaient deviner. En fait de tour de garde, Heraldic avait la bougeotte et donnait des coups de bâton maladroits et hésitants sur des ennemis imaginaires. Fort heureusement, il semblait qu’il n’y ait plus aucun bandit dans les environs, car toute personne un minimum habile les dénicherait à cent mètres ; cela dit, il ne s’en préoccupa pas outre-mesure. Ses yeux perçants observaient l’apprenti bretteur, qui s’égarait dans quelques moulinets inutiles et dans des estocades portées avec bien trop de fougue. Dans un soupir, il se tourna et s’assit, faisant sursauter Heraldic et sa Sylphe papillonnant à côté d’elle. Ascherit releva quelque peu sa capuche, de manière à voir son interlocuteur sans lui laisser discerner ses yeux à travers l’ombre.

"Ne t’élance pas en avant, lui chuchota-t-il. Garde l’équilibre sur ta jambe arrière et stabilise-toi avec celle de devant avant de porter tes coups."

Vans regarda son maître, surprise tout autant que lui de l’intérêt soudain de l’elfe encapuchonné pour ses activités. Les deux autres, couchés, remuaient de leur côté, visiblement en plein débat avec leurs propres songes.

Heraldic resta stupéfait de l’intervention de Damans, il ne s’attendait pas à recevoir des conseils sur le placement de ses pieds pour porter un coup. Il se retourna pour exécuter ce qu’on venait de lui dire mais il lança un regard en coin à l’elfe mystérieux. Il n’appréciait pas vraiment qu’on lui remette ses bases en questions après 85 ans de parcours, mais il est vrai qu’il manquait de dextérité et de techniques. Heraldic mit sa rancœur de côté pour se concentrer.
Il exécuta les quelques mouvements conseillés avec maladresse et se déstabilisa à tous les essais. Il commença à s’essouffler et s’assit sagement à côté de Damans. Il finit par reprendre son souffle et poussa un soupir après avoir levé le nez vers le ciel étoilé. Damans l’imita.

Darkeyes se réveilla, alerté par son horloge interne. Il se leva lentement, comme un chat qui s'étire, faisant jouer ses muscles encore endormis.
Il aperçut Heraldic qui observait les étoiles et s'approcha lentement de lui. Il lui tapota l'épaule et lui signifia d'un signe de tête qu'il pouvait aller se reposer. Darkeyes s'assit alors sur ses talons, son Sùrion à sa droite. Un instant, une vague de nostalgie s'empara de lui. Il se sentait perdu et seul. Pas vraiment triste mais pas complètement en paix non plus.

"- Je me demande si un jour, j'aurais droit à un peu de tranquillité, soupira-t-il.
- A ta place, je ne compterais pas trop là-dessus."

Ambre s'éveilla avec une intense sensation de manque. Elle fut surprise de constater que personne ne dormait, mis à part Kéreth, donc le petit ventre recouvert de fourrure rousse se soulevait doucement.
Ses moustaches délicates frémissaient de temps à autres. Il rêvait. Ambre repensait à son propre rêve, celui avec l'elfe ailé qui avait pu, sans qu'elle se sente gênée, toucher son sùrion... bizarre.

Elle se leva et rejoignit Darkeyes, qui faisait le guet d'un air maussade. Elle lui lança, toujours avec réserve :

"Vous pouvez aller dormir, je prends le dernier tour de garde."

Elle lui sourit tout de même et s'assit à côté, le regard plongé dans le feu. Elle murmurait quelques charmes pour que celui-ci continue de brûler et pour le remercier de la réchauffer.
L'aube commençait à pointer, et la jeune elfe était impatiente d'atteindre Artésia... car c'était bien ces ruelles qu'elle avait vu en rêve...

Le jour pointait, et Ambre alla doucement réveiller ses compagnons.

"Nous devrions y aller, vous ne croyez pas ?"

[HRP]Je propose qu'on continue l'aventure brièvement sur "La vallée fertile" puis qu'on aille sur Artésia.
Je m'empresse d'écrire quelque chose pour aller plus vite Wink

Enfin j'espère que ça conviendra à tout le monde, sinon dites le moi pour que je reprènne tout.
Enfin tout ça pour dire que si vous voulez écrire quelque chose, faut se faire plaisir Very Happy

https://arckalesia.forumsactifs.com/la-vallee-fertile-f22/un-arbre-silencieux-t306.htm#1965 [/HRP]

» Entraînement... et rencontre
» Arrivée fracassante
» Arrivée en ville des sans maîtres...