Agéryon galopait vivement et descendait à vive allure les reliefs escarpés et désertiques d'Ancalimon. Après avoir dépassé la cité des elfes d'argent, où il ne stoppa point sa course, la licorne continuait à dévaler vers la plaine. Les pensées d'Agéryon se bousculaient:
*Kashin, ton destin arrive plus vite qu'il n'aurait dû. Je suis désolé, si j'avais su, je t'aurais entraîné plus durement, plus tôt. Tu n'es pas encore prêt et c'est de ma faute, j'ai cru que tu avais encore du temps devant toi.
Je ne comprends pas pourquoi je n'ai pas vu plus tôt que ta ligne de temps et de vie s'était brisée. Je croyais tout savoir et avoir tout prévu. J'ai laissé les elfes d'argent te mener ici car c'était ta Destinée, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi Elle a si brusquement changé.
Ce que je vois désormais, c'est ce qui aurait dû se passer dans trois ans. Je pensais avoir ces trois années devant moi pour te conduire à assimiler tout tes pouvoirs et tes capacités. J'ai peur que tout ça n'arrive bien trop tôt et je n'arrive plus à voir si tu arriveras malgré tout, bien que je ne sois pas parvenu à tout t'apprendre.
Si tu venais à mourir, ce sera ma faute, j'étais sûr dans mes visions, j'ai cru que tout se déroulerait comme je le voyais. Je ne comprends vraiment pas pourquoi la ligne s'est ainsi brisée.*
La plaine des larmes était une vaste étendue où d'une extrémité, on ne pouvait voir les autres extrémités. La vue était assez désertique. Quelques arbres rabougris et sans aucune feuille se trouvaient de-ci de-là. En plusieurs endroits des cavités naturelles creusaient le sol comme des larmes d'un géant qui seraient tombées sur la plaine, ce qui a donné le nom à la plaine. Un paysage assez lunatique si ce n'étaient les arbres.
Agéryon galopait toujours, évitant avec dextérité les cavités. Enfin il commença à ralentir. Il était parvenu à un endroit assez étrange au milieu de ce paysage. Un cercle de pierres dressées délimitait une aire sacrée, au milieu on pouvait voir une cavité différente aux autres. Elle était bien plus grande et de plus contenait une surface aqueuse. Mais il ne s'agissait pas d'une eau commune : le liquide était gris argenté (comme s'il s'agissait d'argent liquide) mais d'un argent pur et brillant. Au bord de celle-ci, six licornes se tenaient et regardaient Agéryon s'approcher. Il arriva enfin à leurs portées et s'arrêta. Les licornes saluèrent Agéryon qui les salua également.
On pouvait voir deux licornes noires, deux licornes ailées et trois licornes blanches dont Agéryon. Toutes les licornes avaient l'air grave et semblaient avoir plus ou moins le même âge sauf une licorne blanche qui avait le pelage moins vif, moins brillant, mais dont la corne était bien plus grande que celles des autres. D'ailleurs, c'est elle qui prit la parole, une voix usée et féminine empreinte de calme et de sagesse s'éleva :
- Nous voilà enfin tous réunis, le conseil peut commencer !